• Sic !

     

    j'avais fait remarquer à un ami un emploi, selon moi, de l'adverbe ''Sic !'' à contre sens. voici ce qu'il me dit :

    ''Même réponse qu’à Daniel mon ami…de Paris

    qui me faisait la même remarque!

     

    Toute langue évolue et j’ai un journal que je suis de très près,

    à savoir Le Canard Enchainé qui à popularisé cet emploi.

    Et depuis, cet adverbe sic à même beaucoup évolué dans

    différents sens entant qu’interjection.''

    vous trouverez ci-dessous ma réponse à sa remarque.

    A vous de vous faire une opinion

     

     

    Cher Ami,

    Il est vrai que le langage est en perpétuelle évolution, c’est même une des raisons pour laquelle Richelieu a créé l’Académie Française dont le but était de recenser les mots du vocabulaire existant, d’en préciser le sens et de les diffuser de telle sorte que chacun s’entende avec un référentiel commun.

    Ensuite l’usage commun fait évoluer les mots, exactement comme des êtres vivants. Ils s’affaiblissent ou se renforcent ou meurent. Pour autant cette évolution s’accompagne d’une acceptation tacite ou inconsciente de la part de leurs utilisateurs. Ainsi des mots tels que ‘’navré’’ qui voulait dire tuer s’est affaibli pour ne plus exprimer qu’un sentiment de désolation, le mot ‘’étonné’’ qui voulait dire frappé de tonnerre n’exprime plus que la surprise ou l’interrogation, pallier qui signifiait ‘’cacher’’ est devenu remédier à, ‘’impacter’’ qui exprimait un choc violent a maintenant le sens du verbe ‘’affecter’’ autrefois. Ceci est naturel au fil des générations et de la transmission orale. Mais ce l’est moins en transmission écrite qui elle, bénéficie du temps de la réflexion et peut même se permettre une recherche sur le sens des mots qu’elle emploie. C’est elle qui ‘’fige’’ le sens et permet aux mots de conserver leur valeur et leur emploi. Bien sûr le sens du mot écrit évolue aussi, tributaire du langage oral, mais il en est un garde-fou ainsi qu’un frein dans ses dérives.

    C’est la raison pour laquelle j’opposerais l’animateur de radio et de télé Naguy au journal satirique ‘’le Canard enchainé’’ dont la vocation est plus politique que littéraire.

    Concernant le premier il répondait à un auditeur qui lui faisait reproche d’utiliser l’expression ‘’en live’’ au lieu de l’expression française ‘’en direct’’. Naguy s’est lancé dans des arguties pour légitimer son emploi de ‘’en live’’. Pour lui comme tout le monde disait ‘’en live’’ il n’avait pas l’obligation de dire ‘’en direct’’, et donc il continuerait de dire ‘’en live’’. Il oubliait en cela son rôle de média, très écouté et de son influence sur son public qui forcement reproduirait son erreur. Mais il a l’excuse (peut-être) d’être dans le langage oral et dans un niveau de langage qui ne s’adresse pas aux membres de l’Académie Française.

    Le Canard Enchainé n’a pas du tout les mêmes excuses. C’est un journal avec des journalistes dont le niveau de vocabulaire et d’esprit critique doivent les inviter à faire attention au langage employé, traducteur de la pensée et du niveau de réflexion. Plus le langage s’affaibli ou le sens des mots se dégrade et plus la pensée suit le même chemin. Comme il y a toujours déperdition de sens ou de message entre l’émetteur et le récepteur cet appauvrissement ira toujours en s’aggravant. Au niveau du récepteur cela se traduira par l’acceptation d’un mot que j’appellerais ‘’dévoyé’’. Repris dans son sens dévoyé, il traduire une pensée faussée.

    J’entendais encore ce matin sur France Inter un jeune qui donnait au mot intégriste un sens qui n’était pas le sien. Il croyait que ‘’intégriste’’ signifiait ‘’qui veut s’intégrer. On imagine les confusions, et la confusion, qui pouvaient régner dans son esprit quand il était question du radicalisme. Et je me souviens d’une confusion chez les enfants que nous avions emmené à Carcans et qui entendant au cours d’une activité nocturne un prof dire ‘’nyctalope’’ avaient compris ‘’nique salope’’ et croyait qu’il avait insulté une élève. Le niveau de vocabulaire et l’éducation liée aux médias (‘’nique ta mère’’ groupe rock ( ?) de Joé Star, avait produit cette traduction. Heureusement la confusion a pu être levée rapidement. Mais le formatage médiatique était là.

    Dans le langage oral notamment en raison des médias radiophonique il est des expressions qui sont passées dans le langage courant : ‘’il est trop’’, ‘’il est grave’’, ou bien l’expression ‘’qu’est-ce que’’ (c’est qu’est-ce que je dis, qu’est-ce que c’est qu’on doit faire…) c’est du langage oral mais malheureusement à force d’être entendu il s’implante pour devenir, au fil du temps et des apprenants, le langage ‘’correct’’. Je constate une même dérive dans les conjugaisons. Les enfants ne parlent plus qu’au présent et au passé composé. Ils ne font plus la différence entre un imparfait et un passé simple, un conditionnel et un subjonctif, un futur et un présent à valeur de futur. Comment structurer le temps sans ces notions, comment exprimer les nuances d’une pensée dans le doute ou la condition. Autrefois au primaire on apprenait la concordance des temps. Maintenant même le très célèbre : ‘’si j’aurais su j’aurais pas v’nu’’ de Ti Gibus dans la Guerre des Boutons, ne fait plus rire les plus jeunes, tout simplement parce qu’ils ne peuvent plus en percevoir les incorrections, autrefois stigmatisées et amusantes dans la bouche d’un enfant. C’est un vrai handicap pour l’apprentissage des langues. Impossible de parler l’espagnol si on ne maîtrise pas les conjugaisons, impossible de parler l’allemand si on ne sait pas distinguer les compléments circonstanciels.

    Mais dans sa propre langue c’est un handicap aussi pour se comprendre, les mots étant employés dans un sens qui n’est pas le leur, les interlocuteurs, émetteur et récepteur, émettent et reçoivent un message différent. Imaginons que sur la route un même signal soit interprété différemment faute d’un code commun, par exemple un appel de phare, interprété par l’un comme ‘’attention j’arrive’’ et par l’autre ‘’tu peux passer’’ les conséquences peuvent être importantes. Ainsi ce mot ‘’sic’’ tel que l’interprète le Canard Enchainé peut largement prêter à confusion. Situé à la suite d’une démonstration il peut faire croire au lecteur que tu cites in extenso un auteur ou un chercheur ou un texte alors qu’il s’agit pour toi d’un simple point d’exclamation. Bien des confusions et des malentendus peuvent en résulter. Ce journal est un média satirique qui utilise des formes de langage faite pour choquer ou surprendre (ainsi une expression de sa part et qui a fait florès ‘’les paroles verbales s’envolent’’). Mais le rôle du lecteur éclairé et de remettre ce journal dans la gamme d’expression dans laquelle il se range et resituer l’expression dans ce contexte. On ne mettra pas un journal populaire au niveau d’un journal à scandale, et un journal à scandale au niveau du journal ‘’le monde’’. Faire du niveau de vocabulaire des premiers un exemple à suivre en réemployant des expressions ou des mots à contre sens voire en les plaçant au même niveau que l’Académie Française, il y a un pas que je ne suis pas prêt à franchir. Sans revenir systématiquement à l’origine des mots comme le ferait peut-être Alain Rey, il faut savoir ce qu’ils sont, qui les emploie, dans quel contexte et dans quel but. Savoir faire ce tri permet de mieux se comprendre.

     Bernard

     

    commentaires de lecteurs :

    Entre parenthèses, à la fin d'une citation ou après un mot, indique qu'on les cite textuellement, signalant ainsi quelque particularité orthographique ou typographique.

    On l'emploie quand on veut souligner une bizarrerie employée ou écrite par quelqu'un que l'on cite. D'où l'idée que cela peut remplacer un point d'exclamation. On pourrait le remplacer par "si, si, je vous le jure" ou "c'est vraiment écrit comme ça". Il faudrait connaître le contexte dans lequel le canard enchaîné et ton copain l'utilise pour contester. Belle réflexion sur l'évolution de la langue, en attendant. Il y aura toujours bataille entre les Anciens et les Modernes, entre les partisans d'une langue diachronique (l'évolution) et les tenants d'un état de langue synchronique et figé pendant un certain temps. "La linguistique diachronique étudie, non plus les rapports entre termes coexistants d'un état de langue, mais entre termes successifs qui se substituent les uns aux autres dans le temps (Saussure, Ling. gén.,1916, p. 193).La linguistique s'est ainsi scindée en deux branches : une « linguistique diachronique ou évolutive » et une « linguistique synchronique ou statique » (Perrot, Ling.,1953, p. 105).− L'opposition entre le diachronique et le synchronique éclate sur tous les points (Saussure, Ling. gén.,1916p. 127).

    DMG

    Les médias ont une part de responsabilité  mais l'éducation nationale aussi. Je me souviens qu'au début de ma carrière en maternelle l'important était de faire parler les enfants, raconter correctement une séquence de leur vie, répondre à une question correctement, construire des histoires. Bref la maitrise de l'oral était primordiale. Soit pour mieux faire comprendre le travail de l'école par les parents soit pour faire un nivellement de compétences on nous a demandé, et cela dès la petite section, d'introduire de l'écrit, ce qui a conduit la plupart des maitres de maternelle à faire du ''prè-CP'' autant à cause de la pression des parents que de l'attente de l’Éducation Nationale. Nous avons donc été obligées de suivre. De plus la paupérisation de la société à conduit à un niveau de plus en plus facile de langage.                                                                                                                                             

    L.A.M

     


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